"MISS LOUISE BROOKS : L'INSOUMISE" !!!!
C'est grâce à la chaîne France 3 et son célèbre cinéma de minuit - entre autre - que j'ai découvert le cinéma muet riche en trésors cinématographiques. Parmi de nombreux longs-métrages, une figure emblématique m'a marqué : Mademoiselle Louise Brooks, plus connue pour sa fameuse coupe de cheveux et son style unique faisant d'elle une illustre (irremplaçable) icône de la mode - elle inspirera Cacharel pour son parfum Loulou -, demeure l'une des plus grandes actrices du cinéma muet et l'un des plus beaux visages jamais photographiés.
Je n'ai pu voir pour le moment que cinq de ses films - trois muets/deux parlants - mais au travers d'eux puis de biographies que j'ai parcouru, je suis partie à la rencontre d'une femme moderne, indépendante : une anti-star rejetant le système hollywoodien comme je les affectionne, ayant une nette (voire grosse) préférence pour les rebelles en général qui forcent toujours mon admiration. Née en 1906 dans le Kansas Louise Brooks débute sa carrière comme danseuse à l'âge de 20 ans, elle est - ce que l'on nomme - Girl dans les Ziegfeld Folies, spectacles de Music Hall à Broadway. C'est en 1925 qu'elle décroche son premier rôle dans un film muet puis enchaîne quelques longs-métrages américains et se fait remarquer en Europe dans un film de Howard Hawks. La reconnaissance viendra, d'une part, d'un des derniers grands films muets américains dans "Les Mendiants de la vie" mais surtout dans le cultissime "Loulou" du cinéaste allemand Georg Wilhem Pabst. A son firmament, adulée, sa célèbre coupe à la garçonne (les flappers) est imitée par les femmes du monde entier, et pourtant comme l'a écrit dans une monographie dédiée à la comédienne, le journaliste et écrivain Roland Jaccard : " « Louise Brooks est la seule actrice de l’histoire du cinéma qui se soit toujours insurgée contre cette nouvelle forme d’idolâtrie qui tend à réduire l’idéal humain- et singulièrement l’idéal féminin – à la copie conforme d’une image à laquelle chacun pourrait s’identifier sans risque. Et elle le dit… : pour une femme, fut-elle douée de la beauté du diable, il y aura toujours une autre manière d’exister que celle qui consiste à adhérer passivement au « rôle » que la société a préparé pour elle ».
Louise tournera une vingtaine de films muets mais avec l'avènement du cinéma parlant, ce dernier signera la fin de sa carrière. Celle-ci n'acceptant les baisses de salaires, mise sur une liste noire, elle n'arrive plus à conquérir un nouveau public - les studios prétexteront que sa voix n'est pas adaptée à la nouvelle ère du parlant, ce qui s'avère être totalement faux - réduite à des longs-métrages de serie B, la belle claque la porte d'Hollywood et d'un show-business qui l'humilie. Plus tard, elle dira qu'Hollywood n'est qu'une inhumaine usine à films et qu'elle lui sortait des yeux (il n'y a guère de changement en 2014 ). Elle s'exile, devient une simple vendeuse, vit de la gentillesse de certains amis fortunés (elle divorcera deux fois sans avoir eu d'enfants, ne supportant pas non plus d'être la maîtresse d'un riche millionnaire : dégoûtée d'être un simple objet sexuel, comme une fille de bas étage dont on paye les service). Ce n'est que quelques années plus tard, vivant recluse à New-York, qu'elle retrouve une certaine notoriété en devant scénariste. Elle meurt d'une crise cardiaque en 1985.
Louise Brooks sera considérée comme la première actrice jouant dans des oeuvres controversées (j'y reviendrai, plus bas, dans ma critique de Loulou); son jeu subtil et nuancé à contrario des autres comédiens(nes) de l"époque du muet fera d'elle une tragédienne à part. Egocentrique - tous les acteurs(ices) le sont - généreuse (trop envers ses amis) mais aussi indépendante - la belle n'hésitera pas non plus à poser nue pour des célèbres photographes - lucide, celle qui ne se pliera jamais au petit jeu perverse du monde hollywoodien répondra à la question ; "Avez-vous été heureuse ?" - ; " "Jeune, j'ai été malheureuse la plupart du temps. Ce que recherchaient mes amis - gloire, argent, pouvoir - n'était pas fait pour me rendre heureuse. Leurs plaisirs - saloperies sensuelles, manière de se donner des airs, de se faire valoir - ne me rendaient pas heureuse. C'est seulement quand je me suis installée à Rochester que j'ai trouvé un peu de bonheur. Loin de tous ceux qui voudraient s'occuper de moi, je peux vivre comme je l'entends et fermer chaque soir ma porte en disant "Dieu merci, je suis seule". (Wiki, Louise Brooks portrait d'une anti-star, extrait Monographie de Roland Jaccard)
Beauté intemporelle, Je suis tombée sous le charme de Mademoiselle Louise Brooks : intelligente, libre, solitaire et définitivement insoumise !!!!
"Bien que les gens soient mieux à même de juger le jeu d'un acteur que le talent d'un peintre ou d'un compositeur, l'hypocrisie de la « sincérité » leur interdit de reconnaître qu'ils interprètent eux aussi, constamment, un rôle composé de toutes pièces. De sorte que pour demeurer un acteur à succès il est indispensable de saupoudrer le naturel d'une pincée de mystère et de bizarrerie afin que l'auditoire apprécie et soit intrigué par quelque chose qui ne lui ressemble pas".
FILMOGRAPHIE TRES SELECTIVE
"Loulou" (Die Büshse der Pandora) a été réalisé par Georg Wilhelm Pabst en 1928. Sorti en salle en 1929.
Loulou, belle, capricieuse, insouciante et innocemment perverse, est une créature qui ne vit que pour l'amour. Elle joue dans une revue que commandite son amant, Ludwig Schön, un puissant magnat de la presse et du music-hall fiancé à la fille du ministre de l'intérieur. Au soir de la première, Loulou oblige Ludwig à rompre. Elle se fait épouser par Schön, mais le soir des noces, il la surprend dans sa chambre en situation équivoque. Furieux il veut l'obliger à se suicider, mais dans la lutte, c'est lui qui est tué par accident. Accusée de meurtre, Loulou parvient à s'enfuir...
Loulou (Die Büchse der Pandora) est à la base une adaptation de deux pièces de théâtre allemandes qui provoquèrent de nombreux scandales, par leur traitement de moeurs sexuels jugés trop osés pour l'époque. Il en sera de même pour le long-métrage, mutilé à sa sortie et censuré dans de nombreux pays : l'on découvre un personnage lesbien, le premier de l'histoire du cinéma. Petite anecdote : lors d'une scène où Loulou danse avec une comtesse est la première scène suggestive d'amour lesbien au cinéma !
Le réalisateur allemand Pabst dresse le portrait de Loulou, une jeune fille amorale, adorablement enfantine, capricieuse qui ne vit que pour l'instant présent, se souciant peu de son futur; profitant des joies d'une vie festive, et détruisant au passage tous les hommes qu'elle rencontre. Long-métrage devenu légendaire, Louise Brooks charme et s'amuse de sa beauté mutine (elle n'a que 22 ans), délivre une prestation atypique pour les années 20 qui fera, d'elle aussi, un mythe. J'ai été frappée et subjuguée par la modernité du jeu de la jeune comédienne : elle n'incarne pas Loulou, elle est Loulou ! Loin du côté théâtral fortement "appuyé" auxquels les comédiens(nes) se prêtent au genre muet, Louise/Loulou amène un vent de sensualité; sa prestation se pare d'un naturel désarmant, d'une fraîcheur, d'une fine subtilité : au travers de gros plans - affectionnés à l'époque par beaucoup de réalisateurs - son visage magnifie l'écran de son éclat insolent. Il en est de même pour la réalisation sobre de Pabst, créant une atmosphère envoûtante et fascinante (comme un autre réal allemand du cinéma expressionniste, le génie Fiedrich Wilhelm Murnau "Nosferatu") Il faut d'ailleurs saluer l'audace puis le talent du cinéaste, bien que son oeuvre soit muette, le spectateur(ice) s'immerge, avec facilité, dans une narration dramatique où nombre de sous-entendus sont judicieusement ressentis et exprimés : un bijou cinématographique cruellement noir.
Aussi spontanée qu'incomprise - Loulou à la fois bourreau et victime - la prestation de Louise Brooks ainsi que les propos licencieux du long-métrage effraieront la presse ainsi que le public. Il faudra attendre des années pour que le chef-d'oeuvre de Georg Wilhelm Pabst soit enfin reconnu et salué dans le monde entier. Louise, grâce à Loulou, est devenue le premier sex-symbol. Etrange ironie du sort pour celle qui détestera ce statut ! Puis déclarera : " Je suis à l'image de Loulou, je n'ai jamais aimé personne." !!!!
"Un acteur ne peut choisir les gens avec qui il travaillera, ni quand et comment il travaillera avec eux. Il se rend à son travail à l'heure fixée par le studio. Sa journée de travail appartient à son metteur en scène, mais aussi au scénariste, à l'opérateur, au costumier, à la publicité. Celle-ci étant le sang de la célébrité – faute de laquelle une star n'existe plus –, il est également évident que la star doit permettre à la publicité de s'immiscer dans sa vie privée afin de nourrir l'envie et la curiosité des futurs spectateurs."
"Un acteur, un peintre, un compositeur, un auteur peut se montrer aussi égoïste qu'il le souhaite sans encourir de reproches du public, à condition que son art soit superbe ; et il ne peut remplir cette condition sans un effort et un sacrifice qui lui procurent le sentiment d'être noble et martyr en dépit de son égoïsme."