"Une femme pour faire tourner le monde"
"Agora" a été réalisé par Alejandro Amenabar en 2008 et sortie en salles, le 6 janvier 2010. Au casting :
RACHEL WEISZ/HYPATHIE
OSCAR ISAAC/ORESTE
MAX MINGHELLA/DAVUS
MICHAEL LONSDALE/THEN
"L'Egypte tourmentée au IVème siècle..."
"Agora", nouveau film de Amenabar ( "Les Autres", "Mar adentro"...), de prime abord avait tous les ingrédients pour séduire et, pourtant il reçut un accueil plus que mitigé, autant au festival de Cannes 2009, qu'auprès du public, ainsi que les critiques "presses". L'ayant loupé à sa sortie, séance de rattrapage en Blu Ray : celui-ci m'a permis de m'immerger dans un péplum "Made In Espagne" foisonnant de fureur, de discours. Décevant ou incontournable ? Réponse dans cette critique !
IVème siècle après Jésus-Christ, l'Egypte, sous domination romaine, assiste impuissante à la montée d'une religion emergeant : le Christiannisme. Monothéiste et Polythéiste se livrent un ultime combat aux portes du musée mythique d'Alexandrie. Une philosophe, Hypathie/Rachel Weisz se retrouve face à 2 religions et 2 hommes : Oreste/Oscar Isaac, futur préfet de la ville et Davus/Max Minghella, esclave et futur affranchi catholique. La foi ? Le savoir ? L'amour ? un trio destructeur en ces périodes déchirées, tourmentées, aux prises avec la mort. Sujet sensible pour le réal espagnol et une question : Comment aborder la religion sans en prôner une seule ? Cette Hypathie, femme moderne, permet à Alejandro Amenabar de confronter la "Raison" à une civilisation en plein déchirement théologique. Rachel Weisz interprète toute en délicatesse, en beauté - mais en force - l'incarnation de ce fameux savoir, bouleversée, partagée entre amour charnel et amour spirituel.
Le long-métrage use d'ingéniosité pour aborder 2 approches essentielles : l'évolution violente de la Foi face à la Raison, sans en oublier une 3ème ( plus évidente dans le film ) la plus juste, la plus savante : La Science; une bataille de sens dans un univers habité de mystique. Chaque protagoniste devient alors, une métaphore permettant au spectateur d'analyser l'impact de certains symptômes de la religion sur l'homme : la violence impétueuse, toute puissante d'une fraîcheur, d'une haine jeune de 4 siècles, s'opposant aux dogmes anciens "inébranlables", jaloux d'une splendeur effritée par le temps ! Comment l'être humain peut-il, volontairement, créer des différences, stigmatiser, brutaliser son prochain au nom de certaines croyances ? Mais aussi, comment aduler des religions, toujours au regard et au sentiment de l'homme, fondées sur la vengeance, la haine et la violence ?
Plus qu'un simple péplum, Aménabar sculpte dalle par dalle son "Agora" avec intelligence, élaborant au fil de son oeuvre une "Réflexion" mûrement réfléchie, dépeinte avec justesse, habillée d'un travail esthétique frôlant la perfection et d'une fin aussi poétique que tragique. "Agora" n'est, peut-être, pas exempt de quelques défauts mais, il s'inscrit comme un re-nouveau du genre, à l'image d'un Gladiator, subtil et dramatique. Une nouvelle réussite pour le génialissime cinéaste espagnol !!!
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La vie de Hypathie par Socrate (historien chrétien) dans "Histoire ecclésiastique"
HYPATHIE D'ALEXANDRIE, VERS 370 A 415 APRES J-C ( portrait imaginaire)
Sa vie et sa mort vu par Socrate le Scolastique dans son "Histoire ecclésiastique" :
"Il y avait à Alexandrie une femme du nom d'Hypathie; c'était la fille du philosophe Théon; elle était parvenue à un tel degré de culture qu'elle surpassait sur ce point les philosophes, qu'elle prit la succession de l'école platocienne à la suite de Plotin, et qu'elle dispensait toutes les connaissances philosophiques à qui voulait, c'est pourquoi ceux qui, partout, voulaient faire de la philosophie, accouraient auprès d'elle. La fière franchise qu'elle avait en outre du fait de son éducation, faisait qu'elle affrontait face à face avec sang-froid même les gouvernements. Et, elle n'avait pas la moindre honte à se trouver au milieu des hommes; car du fait de sa maîtrise supérieure, c'étaient plutôt eux qui étaient saisis de honte et de crainte face à elle."
" Contre elle, alors, s'arma la jalousie; comme en effet, elle commençait à rencontrer assez souvent Oreste, cela déclencha contre elle calomnie chez le peuple des chrétiens, selon laquelle, elle était bien celle qui empêchait des relations amicales entre Oreste et l'évêque. Et donc, des hommes excités, à la tête desquels se trouvait un certain Pierre le lecteur, montent un complot contre elle et guettent Hypathie qui rentrait chez elle : la jetant hors de son siège, ils la traînent à l'église qu'on appelait la Césareum, et l'ayant dépouillée de son vêtement, ils la frappèrent à coups de tessons; l'ayant systématiquement mise en pièces, ils chargèrent ses membres jusqu'en haut du Cinarôn et les anéantirent par le feu. Ce qui ne fut pas sans porter atteinte à l'image de Cyrille et de l'église d'Alexandrie; car c'était tout à fait génant, de la part de ceux qui se réclamaient du Christ que des meurtres, des bagarres et autres actes semblables soient cautionnés par le patriarche. Et cela eut lieu la 4ème année de l'épiscopat de Cyrille, la 10ème année du règne d'Honorius, le 6ème règne de Théodose, au mois de mars, pendant le Carême."
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