"PASSION CHARNELLE AU 12e SIECLE" !!!!
Nul besoin de présenter Jean Teulé, le romancier multi-casquette, auteur des célèbres romans "Le petit magasin des suicides", "Darling" (les deux adaptés sur grand écran), "Mangez-moi", "Ô Verlaine" ou "Le Montespan", pour ne citer qu'eux. Dans son dernier roman, il s'attaque (une nouvelle fois) à l'Histoire et aux amours contrariés d'Héloïse et Abélard, nommés les Amants Eternels.
"Depuis quand ne peut-on pas nommer les choses ?". C'est avec gourmandise et truculence du "verbe" que Jean Teulé continue son voyage littéraire dans un de ces faits-divers historiques tout aussi romanesque qu'effroyable. L'écrivain explique JE LE CITE "Héloïse ne parle que de sexe...On sait que ça a été une histoire sexuelle folle entre les deux, et au lieu d'étudier, ils n'ont fait que baiser comme des dingues". Le ton est donné !
En l'an 1115, le théologien réputé Abélard se voit confier l'éducation de la jeune héloïse par un ami confrère Fulbert, oncle de la damoiselle. Une passion dévorante va naître entre le maître et son élève. Pourquoi ne suis-je pas étonnée de voir Teulé s'attacher à la légendaire liaison de ces amoureux maudits ? le romancier aime, comme à son accoutumée, conter des histoires toutes aussi scabreuses que sanglantes (au souvenir de "Mangez-moi"). L'histoire d'Héloïse et Abélard, plus qu'atypique, lui permet de manier le phrasé médiéval "cru" avec son agilité légendaire, et il en faudra de cette légèreté "narrée" puisque paillardise, il y a : Ames chastes, allergiques aux scènes de sexes sado-maso-scato, non sans un parfum de torture - je n'en direz pas plus, pour ne pas gâcher l'effet de surprise - passez-votre chemin. Les 100 premières pages du roman ridiculisent, à elles toutes seules, le célèbre "50 nuances de Grey" !!! Mais un tel coup de foudre irraisonné, ardent du feu de dieu et déclenchant les foudres des proches d'Héloïse, se paie au prix fort; scellant dans la deuxième partie du livre - plus mesurée - le destin de la donzelle et son amant.
Peu avare en détails, Teulé "croque", de sa plume effrontée, l'érotisme grivois. Aussi polissons que désopilants, ces ébats amoureux tragi/comiques trouvent leur excellence dans la verve stylistique/narrative décalée d'un écrivain jouant de son audace irrévérencieuse. D'Héloïse et Abélard, je connaissais la vision classique, quelque peu naïve d'une oie blanche. Au regard de cette nouvelle approche, je découvre l'une des premières féministes d'une époque d'antan.
Jean Teulé réécrit L'Histoire use, abuse de son langage fleuri - voire obscène - pour mon plus grand bonheur - "chante", sur papier, la folle folie amoureuse, et fait de ces tourtereaux éternels, des amants résolument modernes.
EXTRAITS
"- Bonjour, ma amour...
- Bonjour, ma amour...
En ce temps où le mot "amour" est au féminin même au singulier, ô toi, phalange agile du précepteur, c'est du rêve que tu foules et la rosée que tu sens est si comparable à des pleurs."
"Avec toi, tout est comme le va-et-vient. De plus en plus rapide de ta main, héloïse ! Hou, ce que tu me fais là, et comme tu me le fais, ah, Heloïïïïïse ! "
Lettre d'Abélard.
"Tu sais à quelles abjections ma luxure d'alors a conduit nos corps au point qu'aucun respect de la décence ou de Dieu ne me retirait de ce bourbier et que quand, même si ce n'était pas très souvent, tu hésitais, tu tentais de me dissuader, je profitais de ta faiblesse et te contraignais à consentir par des coups. Car je t'étais lié par une appétence si ardente que je faisais passer bien avant Dieu les misérables voluptés si obscènes que j'aurai honte aujourd'hui de nommer."
Lettre d'Héloïse.
"Si je pouvais ouvrir ma bouche et laisser ma langue, ce ne serait pas pour me confesser."
"En doutant nous venons à la recherche, en cherchant nous percevons la vérité"