Le Renouveau du Vampire !!!
Avec l'apparition de "THIRST" de Park Chan Wook et de "MORSE" de Tomas Alfredson, le mythe du Vampire revêt ses plus séduisants apparats, gagnant en poésie, en amour obsédant, en peur terrifiante, en modernisme, à l'écriture filmique toute aussi intelligente que surprenante.
Né en 1897 de la plume de Bram Stocker, créateur du monstre le plus emblématique du cinéma, il faudra attendre la projection 2 oeuvres essentielles : en 1922, le Chef d'Oeuvre de Friedrich W.Murnau " NOSFERATU".
En 1932 "VAMPYR" de Carl Theodor Dreyer ( vu, pour ma part, il y a peu ), un long-métrage esthétiquement brillant pour l'époque, où la "Légende" prête ses traits à une femme : celle-ci inspirée, en partie, par une réelle créature "La Comtesse de Bathory".
Cette Comtesse portera le surnom "La Comtesse Sanglante", adaptée et interprétée au cinéma par Julie Delpy ( prochainement critique dans le blog ). Né en 1560 d'une famille de sang royal, proche d'un célèbre parent, Sigismond Bathory, Prince de Transylvanie, un oncle qui devint le roi de la Pologne.
COMTESSE DE BATHORY
Heureuse en mariage, mais malheureuse de se retrouver seule - son mari passant son temps à guerroyer - la comtesse occupait ses journées à faire torturer des jeunes femmes vierges pour les vider de leur sang, puis prendre des bains, boire le précieux breuvage, persuader que celui-ci lui apporterai une jeunesse éternelle.
Mais rares sont les heroines vampiriques, pour preuve le 1er film parlant américain, portant le célèbre "Vlad Drakul" - vrai nom du célébrissime Prince roumain, le "PRINCE NOIR" qui empalait tous ses ennemis au nom de Dieu -joué à l'écran par Bela Lugosi.
BELA LUGOSI
Dès lors, s'enchaîneront bon nombre de longs-métrages plus ou moins réussis jusqu'en 1976 où Werner Herzog avec "NOSFERATU, Fantôme De La Nuit" et en 1992, Francis Ford Coppola " DRACULA" nous déclinent des adaptations accomplies sur un Dracula : individu à part entière, aux prises avec ses propres tourments. Des films à l'ambiance gothique !
L'ère du nouveau vampire est né, entrainant dans son sillage un beau "navet" du doux nom de "Twilight" - saga créée par Stephenie Meyer - où comment métamorphosée l'emblématique "chimère" en un pâle jeunot aussi charismatique qu'un manche à balai brosse : scénario cruellement vide sur un amour impossible; des loups-garous en mode Village People côtoyant des vampires aux pseudo regards intenses; un romantisme poussé à l'écoeurement. Le tout bien ficelé pour éveiller les émois des jeunes filles en fleurs - recette magique - et faire fuir les adeptes du vrai cinéma horrifique.
Mais rien ne semble entraver le moral de l'oeuvre vampirique, exploitée largement en librairie et lorsque 2 réals de talent s'y collent, le résultat est au rendez-vous : 2 visions, 2 réussites.
On ne peut qu'être ébloui par le regain qu'offre ce long-métrage où s'embriquent la solitude, la beauté, l'horreur, l'éternité avec, en fond de décor la neige "danoise" éclatante, témoin silencieux de nombreux meurtres à venir.
Tiré du roman de John Ajvide Lindqvist " Laisse- moi entrer", Oskar jeune garçon solitaire, tête de turc de ses camarades de classe, fait la connaissance de l'étrange Eli, sa voisine, une enfant ne sortant que la nuit avec pour seul vêtement un T.shirt, par un temps glacial; de cette rencontre va naître un amour platonique - le récit se débarrassant de toute connotation sexuelle - Oskar se libérant de cette vie "martyre" pour en épouser une autre, devenir l'allié, le protecteur, le nourisseur d'Eli, femme vampire aux allures garçonne.
Tomas Alfredson nous propulse au coeur d'un drame mélancolique; ni ail, ni pieux, seulement un climat, une atmosphère unique où la lenteur - nécessaire - prédomine, donne un charme sombre au scénario : celui-ci témoignant d'une existence faite d'injustices, d'alcool, d'abandon, de survie : Oskar et Eli doivent se battre pour exister, pour survivre. L'une tue, l'autre se laisse humilier en silence; le "goule" n'étant qu'un prétexte au désarroi moral.
L'oeuvre, singulière, du scandinave s'éloigne de tous les clichés du genre; "MORSE" se veut audacieux, sobre, précieux : une renaissance de l'innocence sur l'illustration de l'enfance, un "témoignage" sur le passage douloureux à l'adolescence pour s'achever sur l'affection éternelle. De même que "THIRST", tout aussi spécifique : une fois de plus, 2 solitudes se rencontrent, mais la religion et le vampirisme prennent place.
A l'inverse d'un "MORSE" à l'indolence voulue, Park Chan Wook amène une vision plus électrique, totalement débridée du "suceur" et fait la part belle au gore mêlé à l'érotisme assumé dans un ballet chaotique, bouillonnant à l'excès. D'ailleurs tout est poussé à l'excès, mais zéro défaut : les couleurs, la blancheur, le sang, le meurtre, le charnel, l'interdiction se disputent sans cesse.
Pendant 2 heures, le réal nous narre la fièvre qui s'empare d'un prêtre - devenu vampire à la suite d'une transfusion sanguine d'origine sanguine - pour une jeune femme désirable, mal mariée, prisonnière d'une famille détestable; succombant à la chair, il l'arrache pour devenir son amant, un amant maudit; et la maîtresse se révélera démoniaque, totalement incontrôlable dans ses actes, jamais repue : sa soif, sa "faim" pour le sang, son désir de tuer se veulent toujours plus grandissants.
Si certains ont dénonçé un manque de réflexion, à l'inverse de "MORSE", dans le long-métrage de P.C.W, elle est, toute aussi, présente, "hardi", foisonnante d'idées, stylistiquement décalée, absente de tous tabous, violente, déprimante mais irrémédiablement romanesque.
Au final, l'homme aime rêver, frissonner, LE VAMPIRE - au travers de la caméra, l'oeil complice - n'a pas d'autre envie que celle de l'ensorceler pour mieux le débaucher !!!
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LE VAMPIRE
Toi qui, comme un coup de couteau
Dans mon coeur plaintif es entrée;
Toi qui, forte comme un troupeau
De démons, vins, folle et parée,
De mon esprit humilié
Faire ton lit et ton domaine;
- Infâme à qui je suis lié
Comme un forçat à la chaîne,
Comme au jeu le joueur têtu,
Comme à la bouteille l'ivrogne,
Comme aux vermines la charogne,
- Maudite, maudite sois-tu !
J'ai prié le glaive rapide
De conquérir ma liberté
Et j'ai dit au poison perfide
De secourir ma lâcheté
Hélas ! le poison et le glaive
M'ont pris en dédain et m'on dit :
" tu n'es pas digne qu'on t'enlève
A ton esclavage maudit,
Imbécile ! - de son empire
Si nos efforts te délivraient,
Tes baisers ressusciteraient
Le cadavre de ton vampire !" CHARLES BAUDELAIRE.
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