Le Vampire de Ropraz !!!
Né à Payernes le 1er mars 1934, Jacques Sessex fait ses études à Fribourg, puis à Lausanne où il entreprend des études de lettres. Ecrivant depuis son plus jeune âge de la poésie, il publie, en 1954, un 1er receuil "Le Jour Proche", suivi de 3 volumes "Chants de printemps", "Une voix la nuit, "Batailles dans l'air". Le suicide du père du jeune écrivain marquera, à tout jamais, sa vie. Jacques Chessex ressent comme une coupure décisive de son destin. Cette mort représente pour une lui une blessure jamais cicatrisée; elle crée un manque que l'écrivain tente de combler par l'écriture. Il reçoit le Prix Goncourt en 1973 pour son roman "L'Ogre". Il reçoit la Légion d'honneur à Berne en 2002. Ses romans, essaie, poèmes et récits exerçent une influence sur la littérature normande. Avec des titres comme "Avant le satin" ou "Le Vampire de Ropraz", Chessex communique toute sa passion pour la "femme", les livres, les paysages et mêle des thèmes surprenants comme l'érotisme et la transcendance. Il décède le 9 octobre 2009, à Yverdon-les-Bains.
" Il y a une partie de moi dans chacun de mes personnages, comme autant de secondes natures". Jacques Sessex
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" En 1903 à Ropraz, dans le Haut-Jorat vaudois, la fille du juge meurt à 20 ans d'une méningite. Un matin, on trouve le cerceuil ouvert, le corps de rosa profané. Stupéfaction des villages aux alentours... Puis, à Carrouge et à Ferlens, 2 autres profanations sont commises. Le nommé Favez, un garçon de ferme, est le coupable idéal..."
D'un esthétisme maculé "Le Vampire de Ropraz" précipite le lecteur, il y a près d'1 siècle, dans une sombre histoire de profanation. La douce et virginale Rosa, décédée subitement, en est la 1ère victime - 2 autres suivront - son jeune corps est retrouvé violé, mutilé, maché, recraché. L'abjection s'installe au coeur de la commune de Ropraz, dans un petit univers muré où la religion, la sorcellerie, les superstitions vont, à nouveau, s'entremêler; les esprits s'embrasent; le spectre du vampire plâne. Démarre une recherche du coupable.
Avec une graphie dépouillée, vive, ciselée, Jacques Chessex s'emparait d'un réel fait divers pour en décliner un roman tout aussi singulier que captivant. Vivant face au cimetière de Ropraz, l'écrivain avait su retranscrire l'atmosphère des lieux et l'âme des habitants : un monde rural tout aussi obscure que la nouvelle. Derrière les volets clos, dans les profondeurs des montagnes suisses brumeuses, on imagine aisément le poids des interdits de l'époque, les secrets inavouables, l'alcoolisme, le pêché charnel, les jalousies, les rancoeurs, la honte, la crasse - omniprésente - déclinée à toutes les formes. Le monstre rôde, traque, se bâfre de chair, s'abreuve et s'enivre de sang; les détails des corps souillés électrisent, dérangent, éprouvent l'esprit du liseur. Au travers des lignes, on découvre l'étrange amour que put éprouver l'auteur pour le "Mal".
Conteur remarquable - dont je découvre l'oeuvre grâce, une nouvelle fois, à Dasola ( voir sa critique ) - Chessex consommait le sordide avec maestria : son "Vampire de Ropraz", aux frontières du réel, de l'irréel, dur comme un hiver glacial, vous donne rendez-vous avec pour tout compagnon l'ignominie !!!
EXTRAITS
"Ropraz, dans le Haut-Jorat, 1903. C'est un pays de loups et d'abandon au début du xxème siècle, mal désservi par les transports publics à deux heures de lausanne, perché sur une haute côte au-dessus de la route de Berne bordée d'opaques forêts de sapins...Les idées ne circulent pas, la tradition pèse, l'hygiène moderne est inconnue. Avarice, cruauté, superstitions... On se pend beaucoup, dans les fermes du Haut-Jorat...A la nuit on dit des prières de conjuration ou d'exorcisme..."
" C'est alors qu'on découvre les choses. De mézières, où l'on a enfin réussi à l'atteindre, le Dr Delay a rejoint le groupe... Cadavre violé, traces de sperme, de salive, sur les cuisses dénudées de la victime. Et la mutilation la plus sanglante apparaît dans son horreur... Il y a une poignée de longs cheveux et deux larges flasques de sang, en partie absorbées par la neige, près de la tombe profanée..."
" Le 25 décembre, deux infirmières à coiffe bleue viennent le chercher dans sa cellule pour l'associer à la fête de Noël des malades et du personnel, on allume les bougies du grand sapin et Favez, les fous, les infirmières, les médecins chantent la naissance du christ, boivent du vin chaud et mangent des petits gâteaux préparés aux cuisines par les bénévoles".
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