"SHIRLEY VISIONS OF REALITY/VOYAGE SENSIBLE DANS LA PEINTURE DE EDWARD HOPPER" !!!!
"Shirley : Visions Of Reality" a été réalisé par gustav Deutsch. Sortie en salle le 17 septembre 2014.
Un hommage à la peinture d’Edward Hopper et à la vie quotidienne américaine des années 1930 aux années 1960, avec la mise en scène de treize de ses tableaux prenant vie et restituant le contexte social, politique et culturel de l’époque à travers le regard du personnage féminin, Shirley.
Lourd défi que s'est lancé Gustav Deutsch en voulant retranscrire - sur l'écran noir - le 3ème et le 7ème Art : la peinture et le cinéma. Le choix du peintre Edward Hopper n'est pas anodin, l'oeuvre de ce dernier ayant servi de REFERENCE à des réalisateurs de renom (que je vais développer dans la mini-bio de l'artiste/peintre). Cette approche particulière a laissé un nombre de cinéphiles hermétiques face à cette expérience filmique atypique, d'autres (dont moi) ont apprécié un rare moment artistique/cinématographique, mêlant l'onirisme et la réalité.
En revisitant le thème du "tableau vivant", Deutsch délivre le parcours d'une femme (représentation de l'épouse de Edward Hopper : son modèle unique) sur treize oeuvres picturales du célèbre peintre. En résonance Off, la voix de Shirley/Stéphanie Cumming nous guide au fil de ses pensées et de son propre parcours sur fond d'une Amérique des années 30 aux années 60. Au regard de l'entreprise de Hopper, je pensais qu'il était impossible de matérialiser l'essence même de ses toiles : les couleurs, l'espace temps (extérieur et intérieur) matérialisé par une porte, une fenêtre, une pièce.... jouant en contraste avec la lumière PREDOMINANTE. Mais la mise en scène du cinéaste nous invite à poser un regard complémentaire. Peintre intemporel, Edward Hopper avait le désir de dépeindre, d'immortaliser des gestes de la vie quotidienne, visant essentiellement l'Amérique de la classe moyenne : la nostalgie, la solitude, l'ennui puis l'effet d'aliénation sublimant ces rituels répétitifs. Le cinéaste Autrichien lui rend un bel hommage. Les jeux des ombres et lumières en apposition aux couleurs intenses de chaque toile saisissent le spectateur tout comme l'interprétation de Stéphanie Cumming (que je découvre), épousant une silhouette "suave" mais aussi froide, à l'image de la représentation de Joséphine Nivison, la femme de Edward Hopper. Chaque plan du long-métrage se veut méticuleux pour reconstituer la palette de pigments, la profondeur des cadrages et les effets d'éclairages des toiles du peintre américain. Outre, la recomposition esthétique des oeuvres picturales, le contexte social et politique d'un pays (aux prises avec la Grande Dépression) convoque la double vision Deutsch/Hopper.
Que vous soyez férus d'arts plastiques ou pas, "Shirley/Visions of Reality" - de par sa noble démarche - permet de découvrir l'univers d'un des plus grands peintres contemporains. En optant pour un ton personnel, tout en respectant le ressenti de Edward Hopper, le directeur autrichien invite le cinéphile dans une CONTEMPLATION réelle/fantasmagorique. Je ne peux que saluer l'audace de Gustav Deutsch dans son désir d'invoquer notre intellect, notre sensibilité artistique puis notre amour pour le 7ème Art : Treize toiles "filmiques" en mouvements où les détails d'une vie "aliénée" d'un monde en permutation !!!!
EDWARD HOPPER/LE PEINTRE NATURALISTE QUI AIMAIT (AUSSI) LA LITTERATURE
Le seul nom de Hopper convoque les appellations dont l'ennui, la solitude. Au travers des toiles de cet artiste naturaliste se cachent un univers clos, une Amérique profonde (du milieu du XXe siècle) en proie avec son quotidien : confrontation nature/société moderne. La nostalgie et la banalité de vies ordinaires demeurent "le maître mot" de ses tableaux, en regard d'un pays/témoin de ses futures évolutions sociales.
Surnommé "Le peintre de l'Amérique silencieuse", Edward Hopper est né en 1882 à Nyack dans l'Etat de New York, au coeur d'une famille modeste de commerçants en mercerie. Après un parcours classique scolaire, le jeune homme se prépare au métier d'illustrateur. Au sein de la New York School of Art (en 1900), un de ses professeurs lui enseigne à personnifier des scènes réalistes de la vie urbaine. Pour parfaire son "pinceau", Hooper part vivre à Paris et visite à l'occasion d'autres pays européens de 1906 à 1910. Grand admirateur de l'impressionnisme, il prend comme référence des peintres comme Sisley, Pissaro et Renoir mais s'intéresse aussi à Manet, Van Gogh, Degas entre autre...et tombe sous le charme de la littérature française, lisant les textes dans leurs versions originelles ( pour la petite histoire : il récitait du Verlaine) et admirant des écrivains tels Emile Zola, Victor Hugo... Il rentre, définitivement, à New York en 1908 où il travaille comme illustrateur, dessinateur : métier qu'il n'apprécie pas. Il peint très peu à cette époque mais participe à des expositions. Sa première toile vendue, Hooper se fait connaître par des critiques d'Art. Son activité artistique prend de l'ampleur dans l'entre-deux-guerres. Il rencontre le succès lors de son exposition personnelle en 1920. De son mariage (en 1942) malheureux avec une artiste peintre - Joséphine Nivison - jalouse au caractère impétueux et peu enclin à la rêverie, cette dernière reste son unique inspiration féminine : image d'un corps impassible !
MORNING SUN/HUILE SUR TOILE (1952) - REPRESENTATION DE LA FEMME DE EDWARD HOPPER (JOSEPHINE NIVISON)
En 1925, Hooper achève l'une de ses toiles devenue SON OEUVRE MAJEURE : La maison au bord de la voie ferrée (The house by the Railroad). le cinéaste Alfred Hitchcock s'inspirera de cette toile pour sa célèbre demeure dans "Psychose" (1960).
LA MAISON AU BORD DE LA VOIE FERREE/HUILE SUR TOILE (1925) - PSYCHOSE FILM D'ALFRED HITCHCOCK (1960)
En 1933, une première rétrospective honore l'oeuvre de Edward Hopper au Museum of Modern Art de New York. En 1953, il reçoit le titre de "Doctor of Fine Arts" de l'Art Institut of Chicago. Le célèbre artiste/peintre meurt en 1967 dans son atelier à New York. Sa femme décède dix mois plus tard et lègue son oeuvre au Whitney Museum of American Art.
Comme je l'ai mentionné plus haut, Edward Hopper a largement influencé le 7ème Art. Ses oeuvres ont servis de MODELE à des réalisateurs comme Hitchcock (Pas de Printemps pour Marnie, Fenêtre sur cour, Psychose) mais aussi David Lynch, Terrence Malick, Tim Burton, les frères Coen ou Woddy Allen... pour ne citer qu'eux. Le milieu de la photographie s'est (elle aussi) intéressée aux oeuvres picturales de Hopper. Pour ceux et celles qui viennent régulièrement sur le blog, j'ai (déjà) illustré mon (notre, avec Bond) humble entreprise de quelques huiles de ce peintre que j'affectionne (l'un de mes préférés). Comme l'ont souligné des spécialistes en la matière, il se dégage de l'exécution artistique de Hopper : une tension, une exclusion, des silences, des chimères... et surtout une désolation, un abandon qui m'ont profondément émue. Au travers de ses représentations picturales, la ville tout comme l'humain (le couple) semblent désincarnés, empesés dans un calme oppressant où l'impression d'ennui prédomine mais pas seulement. L'attente, elle aussi, transparaît : de scènes épisodiques, cette dernière devient menaçante. David Lynch a déclaré " On a toujours l'impression que quelque chose de terrible vient de se passer ou va arriver". Je ne peux que le rejoindre ! cette étrange sensation ne nous quitte pas, tout comme la déréliction (obsession de Hopper ??) retranscrite dans des lieux tels les restaurants, les habitations, les théâtres, des paysages désertés, une fenêtre....
Edward Hopper - durant sa vie - s'est passionné pour la littérature, la psychanalyse (Freud et Jung étant SES références), le cinéma, la peinture des plus grands... mais aussi l'architecture. Ses multiples passions/inspirations demeurent le fil conducteur de son OEUVRE. Tel un livre (ou un film) que l'on parcourt, LA PROJECTION de Hopper se matérialise pour prendre corps: instantané photographique "pictural" d'une vie quotidienne américaine où les afflictions d'hommes et femmes, traduisant leur amertume face au temps qui tente à disparaître mais que l'on ne peut retenir !!!!
(Wikipédia, portrait de Edward Hooper, l'OBS " Edward Hopper, l'homme qui aimait les livres", le figaro "Edward Hopper où l'envers du décor", Edward Hopper en cinq tableaux choisis)
SHIRLEY/VISIONS OF REALITY - VERSION BLU RAY
BONUS - Entretien du réalisateur. Entretiens avec des spécialistes de Hopper (instructif et intéressant pour mieux assimiler l'univers du peintre). Galerie photos. Affiches.
"Si vous pouviez le dire avec des mots, il n'y aurait aucune raison de le peindre."