"NIGHT CALL/VAMPIRISME DU PETIT ECRAN" !!!!
"Night Call" a été réalisé par Dan Gilroy. Sortie en salle le 26 novembre 2014.
Avertissement : des scènes, des propos ou des images peuvent heurter la sensibilité des spectateurs
Branché sur les fréquences radios de la police, Lou parcourt Los Angeles la nuit à la recherche d’images choc qu’il vend à prix d’or aux chaînes de TV locales. La course au spectaculaire n'aura aucune limite...
Avec les années, les médias (et entre autre notre cher petit écran - grand envahisseur de nos foyers -) sont rentrés tout doucement mais sûrement dans une normalisation du sensationnel; quitte à abêtir, insulter et endormir nos esprits. Toujours en quête d'un voyeurisme alléchant, les chaînes de télévision appâtent le client : abreuvant ce dernier d'un medley de télé-réalités crétines, de jeux d'argent et de pubs en tout genre, de soap-opéra indigestes puis d'infos racoleuses ! De ce constat, le cinéaste Dan Gilroy pousse le vice encore plus loin; dépasse les limites au travers du parcours nocturne d'un sociopathe, Lou Bloom/Jake Gillenhaal et délivre une critique acerbe de la télévision américaine.
Lou Bloom, être solitaire/chasseur de Scoops autoditacte va faire le bonheur (et le sien) d'une chaîne de télévision locale avide de faits-divers violents. Dans cette course au sensationnalisme et à l'argent, le jeune reporter, appuyé fortement par Nina Romina/René Russo (représentante de la dit chaîne) ramène des vidéos toujours plus trash, violant au passage toutes les règles de déontologie. Vendu comme le nouveau film des producteurs de Drive, la seule ressemblance avec le cultissime long-métrage de Nicolas Winding Refn s'arrête à une virée nocturne - dans les rues de Los-Angeles - pour Lou Bloom et son nouveau partenaire Rick, l'aidant dans sa traque au sordide. Pendant plus de deux heures, le réalisateur Dan Gilroy s'atèle à dépeindre un univers médiatique, prêt à tout pour satisfaire un public en demande perpétuelle d'images chocs; et si la première partie - fascinante - suit l'évolution, les méthodes peu orthodoxes d'un Bloom atypique, détaché de tous sens moraux et humains; la deuxième m'a paru assez improbable bien qu'intéressante dans sa chute. Mais le réel petit souci de ce long-métrage (que peu de cinéphiles ont souligné) tient dans l'interprétation de Jake Gyllenhaal. Futur probable nominé pour les Oscars 2015, sa prestation (grandement saluée par les critiques et le public) m'a quelque peu embarrassé, me rappelant une autre : celle de Christian Bale dans Américan Psycho. Bien que les récits et les deux personnages - Bateman et Bloom - soient différents, ces derniers conjuguent, à tous les temps, une "sociopathie" commune (en référence, la toute première scène de Night Call) et c'est là où le bas blesse. Par le passé, bien de grands comédiens se sont inspirés de leurs illustres prédécesseurs; un exemple : Robert de Niro a avoué admirer la prestation de THE BEST Marlon Brando dans l'excellent "Un reflet dans un oeil d'or" où le Monstre Sacré - en costume militaire - mécontent de lui-même, parle à sa propre image dans la glace (grand moment de cinéma). Le "fils" spirituel fera de même dans le cultissime The Driver (un clin d'oeil à son idole) mais s'en détachera rapidement pour offrir au spectateur, son propre jeu et quel jeu ! Jake Gyllenhaal , sans aucun doute, a visionné l'hallucinante prestation de Christian Bale mais là où un petit hommage aurait été le bienvenu (et apprécié pour ma part), il s'exécute au travers d'un mimétisme agaçant : les regards, le phrasé, la gestuelle etc... sans pourvoir mettre en exergue sa propre patte. Résultat : un sous-Bale à l'écran !
Le premier long-métrage de Dan Gilroy - sous couvert d'un thriller - reste un énième acte sur les pratiques malsaines des médias (dans les mains perverses d'un prédateur) plutôt rondement mené, sans en atteindre l'excellence. La normalisation médiatique du sensationnalisme "à tout prix" a de quoi faire réfléchir. A L'OFFRE vient la DEMANDE (vice et versa) et cette OFFRE - déculpabilisée - caresse dans le bon sens du poil la DEMANDE : ne flattant pas l'intelligence (annihilée) des lambdas devant leur petit écran mais bien leur avide consommation d'infos graveleuses. "Night Call" en réponse à l'appétit gargantuesque audiovisuel gangrené par le crapuleux, confectionné pour les voyeurs modernes que nous sommes devenus !!!!
"Voyeurisme, vice irrévérencieux, délictueux délice."