"LE PATRICK BATEMAN DE BRET EASTON ELLIS"!!!!
Auteur controversé, né en 1964, Bret Easton Ellis écrit son premier roman assez jeune "Moins que Zéro" (Less than Zero) mais c'est surtout en 1990 qu'il va devenir célèbre avec "Américan Psycho" , bien que les ligues féministes essayent d'empêcher la sortie du sulfureux ouvrage (l'auteur recevra, même, des menaces de mort). Trois ans plus tard "Zombies" un recueil de nouvelles sur le Los Angeles des années 80 est boudé par la critique. Après 5 ans "Glamorama" paraît en 2005, le livre - excellent - se place, rapidement, au sommet de la liste des best-sellers. Adulé par certains, détesté par d'autres, l'oeuvre de Ellis est adaptée plusieurs fois à l'écran, dont "Américan Psycho" en 2000 : il demeure une figure majeure de la provocation et de la transgression dans l'univers de la littérature américaine.
Avec son sourire carnassier et ses costumes chics, Patrick Bateman correspond au profil type du jeune Yuppie des années Trump. Comme ses associés de la Chemical Bank, il est d'une ambition sans scrupules. Comme ses amis, il rythme ses soirées-cocktails de pauses cocaïne. A la seule différence que Patrick Bateman viole, torture et tue. La nuit, il dévoile sa double personnalité en agressant de simples passants, des clochards, voire un ami. Mais, il ne ressent jamais rien. Juste une légère contrariété lorsque ses scénarios ne se déroulent pas exactement comme prévu...
Si Bret Easton Ellis, en accouchant d'Américan Psycho, a suscité bien des polémiques (certaines librairies ont même refusé de distribuer le livre à sa parution), il reste - pour ma part - un des meilleurs écrivains contemporains américains. Découvert en 2000 - tout comme le long-métrage - "Américan Psycho" est l'un de mes BEST; lu plusieurs fois, ce thriller psychologique happe dès les 1éres lignes, réveille le côté voyeur qui sommeille en chacun de nous. De sa plume acerbe ou devrai-je dire, de son "scalpel" incisif, Ellis découpe les tranches d'une vie d'un yuppie complexé, sans concession, ni retenue. Le sadisme, la perversité dont fait preuve son anti-héros a le mérite d'aborder "la noirceur" de l'âme humaine" comme peu d'écrivains ont osé l'explorer ; quoi de mieux pour exister : délivrer les pires actes ! Je peux tout-à-fait comprendre - personnes sensibles s'abstenir - que l'on soit choqué, voire déstabilisé par le contenu politiquement incorrect, mais la puissance du récit "atypique" réside dans sa vision clairvoyante et sa vérité dérangeante sur un capitalisme mercantile ! Fort de ces détails matériels, d'une crudité omniprésente, d'une pornographie assumée, la parano et la schizophrénie d'Américan Psycho atteignent leur paroxisme : pour mieux souligner la pauvreté existentielle de ce Golden Boy trouvant une forme d'éxutoire dans la douleur qu'il va infliger à ses congénères. Distillant, injectant un humour noir, se délectant des facéties "infâmes" de son Bateman - pur produit matérialiste et consumériste; vide de tout sens moral, de tout sentiment - Bret Easton Ellis se pose en réel critique : "Américan Pshycho" où la terrifiante analyse, totalement barge, d'une Amérique déshumanisée !!!!
INTERVIEW - EXTRAIT - (BRET EASTON ELLIS) : "J'ai lu beaucoup de commentaires négatifs sur "Américan Psycho". Certains ont accusé le livre d'avoir été conçu dans le but de choquer les lecteurs. Si tel était le cas, je n'aurais pas passé 3 ou 4 ans de ma vie à travailler dessus et j'aurais accumulé les descriptions morbides. Dans ce livre, j'ai écrit sur mon existence. Je me suis glissé dans la peau de Patrick Bateman, un jeune homme vivant à New-York, perdu dans les méandres de la culture yuppie, qui empêche les gens de grandir et qui peuvent vous faire détester la société et vous-même si vous n'avez pas ce dont vous croyez avoir besoin."
"Américan Psycho" a été réalisé par Mary Harron. Sortie en salle le 7 juin 2000.
007bond, ayant ultérieurement posté sa critique, pour ma part et bien que Christian Bale excelle en Patrick Bateman, il reste le seul véritable intérêt de cette "classique" facture (en "travailleur" acharné, je soupçonne le comédien gallois d'être le seul à avoir véritablement compris l'essence même du livre) ! Visant un public plus large, Harron insuffle une vision beaucoup trop édulcorée, passant sous silence certains actes meurtiers, omettant les pensées ultra-violentes du jeune homme. Pour délivrer avec justesse la quintessence du roman, la réalisatrice aurait dû en souligner toute la subversivité ! Plus qu'une simple "plongée" psychologique "Américan Psycho" l'ouvrage se vit comme une expérience intérieure - dans les méandres d'un esprit dément - certes éprouvante mais une puissante expérience, impossible à rentranscrire sur un écran noir !!!!
"Rien ne parvenait à m'apaiser. Très vite, tout me paraissait ennuyeux... Il n'y avait pas en moi une seule émotion précise, identifiable, si ce n'est la cupidité et, peut-être un dégoût absolu d'un être humain - la chair, le sang, la peau, les cheveux -, mais ma dépersonnalisation était si profonde, avait été menée si loin, que ma capacité normale à ressentir de la compassion avait été annihilée, lentement, consciemment effacée. Je n'étais qu'une imitation, la grossière contrefaçon d'un être humain..."
"Mon allégresse macabre a fait place à l'amertume, et je pleure sur moi-même, sans parvenir à trouver la moindre consolation dans tout cela, je pleure, je sanglote "je veux juste être aimé", maudissant la terre et tout ce qu'on m'a enseigné : les principes, les différences, les choix, la morale, le compromis, le savoir, l'unité, la prière - tout cela était erroné, tout cela était vain. Tout cela se résumait à : adapte-toi ou crève..."
"...Il existe une idée de Patrick Bateman, une espèce d'abstraction, mais il n'existe pas de moi réel, juste une entité, une chose illusoire et, bien que je puisse dissimuler mon regard glacé, mon regard fixe, bien que vous puissiez me serrez la main et sentir une chair qui étreint la vôtre, et peut-être même considérer que nous avons des styles de vie comparable, JE NE SUIS TOUT SIMPLEMENT PAS LA..."